Discours à propos de la loi anti-cumul de mandats : j’aimerais comprendre comment il est possible de cumuler
Chers collègues, j’aimerais comprendre. J’aimerais comprendre comment il est possible de cumuler.
Je suis députée depuis un an. Ma semaine classique se déroule ainsi.
Le lundi, je reçois à ma permanence des particuliers, des associations, des élus. Je me déplace aussi dans quelques-unes des cent-soixante-et-une communes de ma circonscription.
Le mardi, j’arrive à l’Assemblée nationale. Je participe à la réunion de mon groupe, à la séance de questions au gouvernement. J’apprécierais d’ailleurs qu’elle se déroule dans le calme. Ne serait-ce que pour entendre les députés et les ministres qui ont la parole.
Le mercredi, je participe aux travaux de ma commission, ainsi qu’aux séances. Je reçois aussi des personnes qui en font la demande. Ces rendez-vous m’aident à mieux comprendre les nuances des textes qui nous sont présentés.
Le jeudi est partagé entre l’Assemblée nationale et la circonscription.
Le vendredi est similaire au lundi, et consacré à ma circonscription.
Tous les week-ends, je participe à des événements, tels que des commémorations, des repas des anciens, des inaugurations.
Je sais que tout cela est très banal, que c’est notre quotidien à tous.
Mais lorsque j’ai raconté cela à des journalistes, je me suis retrouvée caricaturée en Wonder Woman. Ce n’est pourtant pas ainsi que je me vois. J’ai simplement l’impression de remplir les fonctions que les électeurs m’ont confiées, au mieux de mes capacités.
J’aimerais comprendre comment, dans cet agenda, il me serait possible d’être à la tête d’une mairie, d’un conseil général ou régional. Concrètement. Une journée ne dure que vingt-quatre heures, il y a donc forcément une partie des mandats qui sont délaissés.
Je ne vois qu’une seule possibilité pour expliquer le cumul : les cumulards disposent de capacités qui manquent au commun des mortels. Peut-être sont-ils capables de se déplacer du parlement à leur circonscription en bondissant entre les immeubles, tel Spiderman ? Ou qu’ils peuvent travailler le jour comme la nuit, à la façon de Batman ? A moins que les murs et les plafonds ne soient pas un obstacle pour eux, à la manière du Passe-muraille de Marcel Aymé ?
Trêve de plaisanterie. Le mythe du surhomme politique n’a que trop duré.
J’entends déjà les réponses à mes propos. Les mots magiques. Le fameux « ancrage local ». Ces mots ont justifié bien des abus. Mais si j’étais maire d’une des communes de ma circonscription, comment pourrais-je m’intéresser également aux cent-soixante autres communes ? Comment ne serais-je pas tentée de favoriser ma commune, au détriment des autres ? La presse regorge en ce moment d’usages plus que douteux de la réserve parlementaire.
Mettre fin au cumul, c’est réduire considérablement les conflits d’intérêts. Et donc mieux servir l’intérêt général.
Il y a un point qui ne relève pas de la loi, mais de l’organisation interne de l’Assemblée nationale. Il est évident que les parlementaires cumulards utilisent les ressources de leur collectivité locale pour compléter les moyens de fonctionnement accordés aux parlementaires. Combien de parlementaires ont leur secrétariat dans leur mairie ? Nous devrions tous être à égalité face aux tâches et aux responsabilités qui nous incombent.
Lorsque la loi sera mise en application, il appartiendra aux futurs parlementaires de réfléchir aux moyens indispensables à leur travail. Cela passera probablement par l’augmentation du crédit collaborateur et de l’IRFM.
Enfin, le renouvellement de la classe politique ne doit pas être un vain mot. Il m’arrive de réécouter les délicieux réquisitoires du tribunal des flagrants délires de Pierre Desproges. Rappelons que cette émission s’est arrêtée en 1983. Trente ans plus tard, donc, une part importante des personnalités politiques qui étaient évoquées sont toujours en poste. Il est temps de passer des paroles aux actes, et de contraindre au renouvellement de la classe politique. Il n’y a aucune raison logique pour qu’il y ait moins de talent politique au vingt-et-unième siècle qu’au vingtième siècle. C’est pourquoi les écologistes ont déposé un amendement qui vise à limiter à trois mandats parlementaires, successifs ou non, pour chaque citoyen. Nous parlons là d’au moins quinze années consacrées à l’élaboration des lois de notre pays et de l’union européenne. C’est quasiment la moitié d’une vie professionnelle, cela me paraît bien suffisant pour garantir à nos citoyens un parlement composé de représentants motivés, énergiques, et suffisamment proches du reste des français pour les représenter. A défaut, le texte issu de la commission, qui limite à trois mandats successifs, est déjà une belle avancée.
Vous l’aurez compris, ce texte, malgré quelques points où je souhaiterais le voir aller plus loin, est un grand progrès pour notre démocratie. Il correspond aux attentes de nos concitoyens, ainsi qu’à l’accord signé entre le Parti Socialiste et Europe Ecologie-Les Verts en 2011[1]. J’espère donc qu’il sortira de nos débats encore meilleur, et que j’aurai alors la fierté de le voter des deux mains, avec vous.
[1] « Pour encourager le renouvellement du personnel politique, nous interdirons le cumul d’un mandat national ou européen avec une fonction d’exécutif local, le cumul d’une fonction ministérielle avec un mandat exécutif territorial, et le cumul de deux mandats à la tête d’exécutifs locaux »
Bravo ! Encore Bravo ! Vive des élus concentrés sur leur seul mandat unique !
Pierre Herraiz (PS) Maire -adjoint.
Le non cumul des mandats conduit au renouvellement de la classe politique et à l’émergence d’idées nouvelles.
Maintenant, ceux qui sont persuadés que le cumul est indispensable, qu’il le fasse bénévolement!