L’abolition des privilèges des élus ne doit pas être une chasse aux sorcières
L’article du Nouvel Observateur « EXCLUSIF. 10 députés en colère : « Abolissons nos privilèges ! » a eu le mérite de mettre en lumière un certain nombre de problèmes dans le fonctionnement de notre principale institution législative.
C’est malheureusement son seul mérite. J’ai reçu de nombreuses interpellations de citoyens me demandant, notamment, pourquoi je n’avais pas signé cet appel. Ma réponse est tout simplement : parce que ce n’en est pas un !
Ce n’est que la compilation de dix extraits d’interview. Je suis d’ailleurs heureuse de ne pas avoir été interrogée. J’aurais trouvé très désagréable d’être présentée comme la signataire d’un appel qui contient une mesure à laquelle je suis farouchement opposée.
Il me semble donc utile de dire, après un an passé au sein de cette institution ancienne et parfois trop guidée par ses traditions, ce que je pense des idées avancées par ces dix députés.
Publication des augmentations de patrimoine : plutôt pour.
Mais la publication des patrimoines est moins importante que la publication des conflits d’intérêts.
Suppression du régime de retraite : plutôt pour
Cela devrait être fait dans le cadre d’une fusion de tous les régimes de retraite existants, comme proposé par Laurent Wauquiez.
Démission de la haute fonction publique : plutôt pour
Il reste à définir précisément le périmètre de la haute fonction publique
Encadrer l’achat de permanences : entièrement pour
La situation actuelle peut pousser un député à acheter une permanence pour moins dépenser d’IRFM chaque mois, quand bien même il n’approuverait pas l’enrichissement personnel que cela entraîne. Par contre, la position de Gérald Darmanin ne prend pas en compte toutes les dimensions du problème. Un député qui achèterait sa permanence sur ses deniers personnels ou par un prêt, puis qui se verserait un loyer mensuel, serait dans la même situation finale que s’il remboursait un prêt avec l’IRFM.
Contrôler les lobbys : entièrement pour
Le problème se pose au sein de l’Assemblée comme ailleurs. Au-delà de l’obligation de prévenir la déotonlogue de l’Assemblée des cadeaux reçus, les déjeuners offerts devraient aussi être déclarés.
Réformer l’assurance-chômage : entièrement pour
Il n’y a aucune raison morale qui explique le statut différent des députés. Il faudrait qu’ils cotisent au régime commun durant leur mandat, et qu’ils soient indemnisés par Pôle Emploi à la fin du mandat, selon les règles identiques. Cela aiderait peut-être certains à se rendre compte des considérables dysfonctionnements du service public d’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Fiscaliser les frais de mandat : entièrement contre
Mon IRFM me sert uniquement et intégralement à payer les frais liés à ma fonction de députée. Je pense vraiment que les citoyens ne comprennent pas la réalité perverse de cette idée. Lorsqu’un salarié fait un déplacement pour son entreprise, il fait une note de frais, qui lui est remboursé par son entreprise. Serait-il normal de payer des impôts sur les remboursements de notes de frais ? Devraient-ils être considérés comme un salaire ?
Vouloir intégrer l’IRFM à la rémunération du député, ce serait légitimer les vols qui ont lieu du fait de certains parlementaires.
Il y a une solution beaucoup plus simple, et déjà appliquée dans de nombreux pays : la publication des dépenses. Les parlementaires transmettraient toutes leurs factures aux services de l’Assemblée, qui publieraient ces dépenses. Je suis contre le contrôle qui impliquerait une liste positive ou négative des dépenses envisageables. En publiant simplement les dépenses, il reviendra aux citoyens de déterminer quelles dépenses paraissent légitimes ou non.
Clarification des groupes d’amitié : plutôt pour
Il suffirait que les comptes-rendus de leurs réunions soient publiés. Ainsi que la répartition des dotations entre les groupes.
Adoption du mandat parlementaire unique : entièrement pour
Je pense qu’il n’est pas possible de cumuler un mandat de parlementaire avec un mandat d’exécutif local (municipal, intercommunal, départemental ou régional). Je suis donc pour l’interdiction de cumul simultané. Je suis aussi pour l’interdiction du cumul dans le temps : au-delà de trois mandats, l’élu ne peut plus être en contact avec les citoyens qu’il est censé représenter. J’ai promis durant ma campagne de ne pas faire plus de deux mandats de députée, et je m’y tiendrai.
Publication de la réserve parlementaire : entièrement pour
Cependant, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale a déjà décidé que les attributions de réserve parlementaire seraient publiées intégralement. Je suis opposée au principe même de la réserve parlementaire. Ce n’est pas le rôle du pouvoir législatif de distribuer des subventions. Je suis donc favorable à sa suppression. J’ai d’ailleurs envisagé de ne pas distribuer mes 130 000 euros. Je ne souhaitais cependant pas que les habitants de ma circonscription soient défavorisés par rapport à leurs voisins. J’ai donc organisé un jury citoyen, composé de volontaires tirés au sort, qui sera chargé de distribuer le montant de ma réserve parlementaire 2014.
Il reste beaucoup à faire
Je constate depuis un an l’incompréhension très répandue dans la population en ce qui concerne la réalité du rôle et des moyens des député-e-s. Le député est trop souvent vu comme un super-maire ou un super-conseiller général. J’ai même vu un article de Ouest France qui additionnait l’indemnité parlementaire de base, qui est mon revenu, et l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), qui est un des budgets de fonctionnement de mon activité. C’est pourquoi j’accepte toutes les invitations pour présenter mon activité de députée, notamment dans les écoles, les collèges et les lycées.
Il y a encore beaucoup à faire pour réconcilier les citoyens avec leurs représentants.